24/11/2008
Les Maîtres Potiers en terre de faïence de MONTPELLIER (suite 3)
Les décors polychromes des majoliques passèrent de mode. Ils furent peu à peu abandonnés au profit de faïences blanches peintes de camaïeux bleus de cobalt inspirées des porcelaines d'extrême orient. Vers 1650, le baroque italien imprima son univers mythologique peuplé de grotesques dont certains maîtres montpelliérains, les Ollivier par exemple, furent les adeptes. Avec ce nouvel essor, les fabriques montpelliéraines se singularisèrent des autres centres de production par des biscuits d'excellente qualité et surtout par un émail d'une blancheur irréprochable. Bien qu'aujourd'hui méconnue et tombée dans l'oubli, cette renommée était célèbre dans tout le pays et attirait de nombreux ouvriers. Un certain Guerrain Gauteron, originaire de Nevers, fut embauché en 1672 par les Marquet pour exercer son art de la peinture dans leur fabrique, sise au faubourd du Courreau. Il fut le prédécesseur de beaucoup d'autres car les ateliers de la ville furent investis par une multitude de peintres qui y travaillèrent à leur manière. En ouvrant leurs ateliers à des artistes venus de la France entière, les faïenciers montpelliérains confessèrent malgré eux une certaine faiblesse de leur créativité picturale et contribuèrent largement au melting pot des styles, véritable casse-tête chinois pour les experts actuels.
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22/11/2008
LES MAITRES POTIERS EN TERRE DE FAIENCE DE MONTPELLIER (suite 2)
L'art des majoliques
Le mot faïence tire son origine de Faenza, petite ville d'Italie près de Florence, où l'on fabriquait ce type de céramique qui connut une renommée européenne à la Renaissance. Bien qu'existant probablement dès le XIIIème siècle dans le sud de la France, la technique de l'émail stannifère se répandit largement au XVIème siècle. C'est sous la férule d'italiens itinérants que les maîtres languedociens apprirent "l'art des couleurs, à savoir : le fin blanc, les jaunelis et le bleu". Les premiers maîtres que l'on connaisse, à la fois par les textes anciens et par des objets qui leur sont attribués de façon consensuelle, sont les huguenots Antoine Syjalon, célébrissime faïencier de Nimes et Pierre Estève qui tenait boutique à Montpellier. Principalement destinées à la pharmacopée, leurs productions, appelées "majoliques languedociennes", ont un style imité de l'Italie qui se caractérise par un décor polychrome a quartieri où courent des rinceaux (ornement disposé en enroulements successifs) d'acanthes ou des fleurs de lys. Les portraits des Rois de France ainsi qu'une tête de lion modelée en relief à la base des anses sont des éléments décoratifs qui permettent d'attribuer une série de chevrettes, dispersées dans plusieurs collections, à Pierre Estève. L'une d'elle, où figure Clovis II appartient au Musée Languedocien de Montpellier. Les récipients d'apothicaires étaient une production importante des potiers de Montpellier car la ville possédait une des Ecoles de Médecine et un Jardin des Plantes - créés à l'origine pour l'étude et la culture des plantes médicinales - les plus réputés de France. Cette production spécifique, évoluant de mode en mode, perdurera jusqu'à l'extinction des ateliers de faïence au tournant du XVIIIème et du XIXème siècle.
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20/11/2008
Les Maîtres Potiers en terre de faïence de Montpellier (suite 1)
Au XVI ème siècle, époque où l'on voit apparaître les premiers faïenciers connus, Montpellier était déjà une grande ville bouillonnante d'activité, à la fois centre de production et carrefour commerçant important. Tout comme à Ganges au pied des Cévennes, la ville comptait une population assez conséquente de potiers, les orjoliers, dont le nom dérivait de l'orjol, le pot à eau qu'ils fabriquaient. Leurs productions se composaient essentiellement de vaisselle commune, mais aussi de matériaux de construction comme des carreaux de revêtement, des tuiles ou des tuyaux. Certains potiers, dont les Molle, se disaient fontainiers : ils fabriquaient des godets de norias et des bourneaux, des tuyaux vernissés destinés à canaliser les eaux de pluie ou de captage. Comme beaucoup d'artisans, les potiers regroupaient leurs fabriques dans certains quartiers. Aux côtés des tanneurs, ils occupaient les rives du Merdanson (rebaptisé pudiquement Verdanson) entre les anciennes portes de la Blanquerie et de Saint Gilles. Dans ces parages, le pon de las teuillèras (tuiliers) enjambait la rivière et rejoignait l'actuel Faubourg Boutonnet. Leurs échoppes débordaient sur les ruelles encombrées et leurs étals se serraient sur le parvis de Notre Dame justement appelée des Tables. Au fur et à mesure que la ville grandissait ou que leur réussite économique leur permettait de s'agrandir, les potiers déplaçaient leurs ateliers de l'intérieur des remparts vers des sites extra-muros comme le faubourg du Courreau, ou celui du Pila Saint Gély. C'est dans ce dernier que l'atelier des Favier, daté du XVIIème siècle, a été mis au jour lors d'une fouille archéologique occasionnée par les aménagements de la station Corum du nouveau tramway. En 1603, les potiers de terre se structurent et s'organisent en corporation. Une charte, rédigée et signée par les consuls élus parmi les potiers les plus influents, réglemente les usages du métier et défend ses intérêts commerciaux face à la concurrence étrangère. La confrérie accordait aux meilleurs de ses membres le titre de Maître qui autorisait l'ouverture d'un atelier de fabrication. Cette maîtrise se transmettait par héritage, de père en fils aîné ou, en cas de décès, à la veuve. Tout potier ayant pignon sur rue possédait dans les alentours immédiats de la ville une ou plusieurs carrières d'argile d'où il extrayait la matière première nécessaire à son art. Localisés entre Celleneuve et Grabels, les tènements de la Cauquilhe, et des Terrières furent exploitées pendant des siècles, ainsi que les marnes grises de Malbosc qui ont été définitivement abandonnées il y a seulement quelques dizaines d'années. L'argile destinée à la fabrication de poterie de faïence doit être parfaitement préparée : après avoir été lavée, décantée et séchée, l'argile est longuement malaxée. La pâte ou produit est ensuite mise sur le tour ou préparée en vue d'être moulée dans des formes métalliques ou de terre cuite. La faïence est un type de céramique qui requiert une technique particulière où les objets de terre crue subissent une première cuisson dite de dégourdi. Sorti du four, le biscuit est immergé dans une solution d'émail stannifère composée d'eau et de poudre de verre rendue opaque par l'adjonction d'oxyde d'étain. Plus la solution est riche en étain, plus la blancheur de l'émail est parfaite. Sur cet émail encore pulvérulent, le peintre applique à la main levée ou au poncif des oxydes métalliques avec lesquels il compose le décor. Quatre oxydes sont utilisés : le cuivre donne le vert, le manganèse le brun violet, le cobalt le bleu et le jaune est obtenu de l'antimoine. Les objets sont mis une deuxième fois au four où la température incorpore les oxydes dans la masse de l'émail. C'est la technique du Grand Feu. Lorsque les fours étaient chauffés au bois, chaque objet était enfermé dans une gazette, une curieuse boite en terre cuite destinée à protéger l'émail contre les flammes. Des pernettes, petites cales, isolaient chaque objet et empêchait l'émail de les coller.
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19/11/2008
Les Maîtres Potiers de MONTPELLIER
En Languedoc, le grand public connaît la faïence jaune Vieux Montpellier, une production tardive de la fin du XVIIIème siècle, mais moins nombreuses sont les personnes qui savent que d'autres faïences l'ont précédée et dont les plus anciennes, les Majoliques, ont été fabriquées dès la fin du XVIème siècle. Les musées de la ville renferment des collections de faïence méconnues dont la plupart des pièces pourraient avoir été fabriquées dans les ateliers montpelliérains. Si l'on connait bien par les documents d'archives les lignées de potiers qui, au cours des siècles, ont exercé leur art dans cette ville, il se révèle souvent difficile de leur attribuer avec exactitude tel ou tel objet tant les pièces authentifiées par une signature sont exceptionnelles.
Les Majoliques désignent les faïences, notamment celles arabo-andalouses, introduites en Italie par des navires venus de Majorque.
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16/11/2008
PONT ST ESPRPIT (suite 3)
Outre son pont, la ville est célèbre pour son Hôpital lui aussi géré par l'Oeuvre. Vers 1310, la confrérie affirme une vocation charitable avec la construction d'un asile qui accueille pélerins et indigents, femmes en couches et enfants abandonnés. L'Hôpital de Saint Esprit (l'un des 4 Hôpitaux Généraux de la chrétienté avec ceux de Ronceveaux, de Notre Dame du Puy et de Saint Antoine en Viennois) est construit en amont de l'entrée du pont et y confronte la Maison du Roy, siège de l'Oeuvre. Il comporte une grande salle où sont logés les malades et un sanctuaire gothique dont le portail, attribué à l'architecte genevois, Blaise Lecuyer, est terminé à la fin du 15 ème siècle.
En raison de leur situation géographique, à la fois frontalière et carrefour, la ville et le pont Saint Esprit, furent des places stratégiques pour les pouvoirs publics et les militaires.
A la suite du découpage de l'empire carolingien, la vallée du Rhône, puis le fleuve lui-même, devinrent une ligne frontalière convoitée, entre le Royaume de France à l'ouest et le Saint Empire Germanique à l'est. C'est ainsi que pendant des siècles, les riverains et les mariniers continuèrent d'appeler Royaume la rive droite et Empire la rive gauche. De plus, le voisinage avec Avignon qui, du 13 ème siècle à 1791, appartint à la papauté, apporta tour à tour à la ville de Pont Saint Esprit richesses et turpitudes. Le Pont Saint Esprit est donc le trait d'union entre plusieurs états et relie les provinces du Languedoc et du Vivarais à la Provence et au Dauphiné. Comme il se trouve être le seul pont de pierre entre Lyon et la mer, il fallut défendre ce point stratégique en le fortifiant. C'est cette image que montrent encore les armoiries de la ville estampillées sur le mobilier urbain contemporain : le pont est fermé de deux demi-tours avec une croix au milieu surmontée du Saint Esprit et de deux fleurs de lys. Au 14 ème siècle, alors que la guerre de Cent Ans fait rage, la ville tente de se protéger de la convoitise des armées ennemies en s'enfermant dans de nouveaux remparts qui englobent la tête du pont et l'Hôpital. Hélas, ces précautions n'effarouchent guère les terribles mercenaires anglais, "amis de Dieu et ennemis à tout le monde" et qui "dégâtaient" villes et campagnes sur leur passage. Pont Saint Esprit leur résiste un temps et les empêche d'entrer en Dauphiné, mais finit par succomber à leur siège. Les pillards pouvaient alors "courir à leur aise et sans danger, une heure en Royaume de France et l'autre en Empire" et allaient "ous les jours jusqu'aux portes d'Avignon, de quoi le Pape et tous les cardinaux étaient en grand paour".
Plus tard, conscient que le pont Saint Esprit est un passage-clé pour les protagonistes des guerres de religion qui ensanglantent et saccagent la ville, Henri IV décide de renforcer son système défensif et entreprend vers 1590 la construction d'une citadelle. Celle-ci, terminée par Louis XIII en 1627, englobe les bâtiments de l'Hôpital qui disparaît totalement derrière les murailles défensives. Bombardée par les Allemands, et démantelée après la seconde guerre mondiale, la citadelle est aujourd'hui un lieu étrange, un chaos architectural où les époques et les styles se superposent en de surprenants raccourcis anachroniques. Quel contraste lorsqu'après la descente verticale d'un escalier humide qui semble plonger tout droit vers un cachot sordide, le visiteur déboule finalement dans la lumière et se trouve nez à nez avec les dentelles tarabiscotées du pinacle du magnifique portail gothique ! Durant la Régence, au début du 18ème siècle, une nouvelle caserne contruite à l'opposé de la citadelle modernise les équipements militaires de la ville. La rigueur fonctionnelle de ces bâtiments a abrité pendant longtemps une garnison importante. La caserne Pépin est devenue un centre commercial de nos jours.
Le déclin du port
Au 19 ème siècle, Pont Saint Esprit se développe hors de ses murailles, abattues et transformées en promenades ombragées, et l'arrivée du chemin de fer modifie considérablement son visage ; tournant alors le dos au fleuve où se meurt la batellerie, la ville entre dans l'ère du progrès industriel. A cause de la force de la vapeur, les fiers mariniers des bateaux de bois qui ont fait vivre la vallée pendant des siècles sont irrémédiablement mis au chômage, tout d'abord par la concurrence déloyale des puissantes compagnies des navires à aubes puis par les chevaux mécaniques des locomotives. Aux alentours du port, le quartier populaire de Rivière se vide peu à peu de l'innombrable petit peuple de lavandières, de débardeurs, de mariniers et de pêcheurs qui vivaient du Rhône et de la navigation. A peine construit, l'escalier Saint Pierre, contrepoint terrestre du pont et véritable monument à la gloire de la ville et à son port, ne voit plus défiler les trains de barques décizant de Lyon à Beaucaire. Désormains orphelins, certains témoins commémorent, chacun à leur façon, de la prospérité économique ou de la vie humble, rude et intense de la batellerie d'autrefois. Derrière la digue qui protège désormais les bas quartiers des montées intempestives du fleuve, mais qui en ôte aussi la vue, les bittes d'amarrage, solitaires, disparaissent au milieu des peupliers et des aulnes. Désormais déserts, les quais sont parfois animés par la présence de quelques vieux spiripontains qui, une casquette marinière vissée sur la tête, viennent prendre le soleil le long du fleuve et commentent les gestes lents et mesurés des pêcheurs à la ligne.
Loin de la bryance des boulevards de la ville haute, le quartier de Rivière, si typique avec ses ruelles calladées et ses maisons de village aux larges génoises, est un endroit charmant mais un peu fantomatique. Un petit air de nostalgie souffle le long des façades des maisons dont les crépis bigarrés se décolorent au fil des ans et où des touffes de pariétaire ou de ruine de Rome, grosses comme des buissons, dégoulinent en cascades.
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09/11/2008
PONT SAINT ESPRIT (suite 1)
Pont Saint Esprit est une ville du Rhône, ce fleuve impétueux venu des Alpes suisses dont les colères et les crues dévastatrices n'ont été dominées qu'au 20 è siècle au prix d'immenses travaux de canalisation et d'endiguement. Dans cette partie de la vallée, le fleuve rencontre l'Ardèche, au tempérament méditerranéen et dont les crues peuvent être d'une telle force que dans le temps elle boutait le fleuve hors de son lit majeur. Divaguant alors sur les terres, le Rhône se divisait en une multitudes de lônes, chenaux secondaires et bras morts, entrecoupés de broutières, ces îles couvertes d'un fouillis de vorgines où "les millets aux grandes chevelures", les osiers et les saules se mêlent inextricablement. C'est pourtant grâce à ce paysage mouvant, inhospitalier et marécageux que, depuis l'Antiquité, les hommes ont choisi cet endroit pour passer d'une rive à l'autre. Comme en témoigne le nom de Malatras, le mauvais passage et, malgré les meuilles, ces contre-courants pleins de dangers de l'eau qui dort, c'est d'île en île, comme à chat perché, que se transbordaient sur des bacs, voyageurs et marchandises. Parce que le Rhône était colérique, les endroits favorables à sa traversée étaient rares, aussi, lorsque des conditions naturelles permettaient d'établir un "utriculaire" (radeau porté par des outres de cuir gonflées d'air) ou un bac, les lieux devenaient à la fois des carrefours routiers et des ports. Car le Rhône et sa vallée étaient - et sont encore de nos jours "l'ornière du monde", le passage obligé où convergeaient routes salinières et voie romaine qui reliaient la Méditerranée à l'Europe du Nord. Déjà au tournant de notre ère, le géographe Stabon décrivait le trafic qui régnait dans la véllée : "Comme le Rhône est difficile à remonter à cause de sa rapidité, il y a des marchandises que l'on préfère par terre au moyen de chariots".
Ainsi, parce que la vallée est un axe incontournable, une artère commerciale, mais aussi une frontière. Pont Saint Esprit, à la croisée des chemins fut une ville religieuse, commerciale et militaire.
Pour le baptême de la cité, l'Eglise chrétienne manipula miracles et légendes propres à édifier les foules, en utilisant par deux fois, des récits où s'entrecroisaient la réalité historique et la volonté de Dieu. On raconte qu'aux premiers siècles de notre ère, Saint Saturnin, en marche vers Toulouse, traversa le Rhône pour convertir les pêcheurs de la région. A l'endroit où il toucha la terre languedocienne une église portant son vocable fut édifiée. Ainsi, en hommage à l'évêque martyr de la ville rose, la petite cité fluviale prit le nom de Saint Saturnin du Port.
Au 10 ème siècle, un évènement fondateur fait entrer ce village de pêcheurs dans la période médiévale : en 948 Géraud, Comte d'Uzès et prélat, notifie à ses pairs sa volonté imprescriptible. Ecoutons-le : "Tandis que nous sommes encore voyageurs dans cette vallée de larmes et que nous pouvons mettre à profit le temps favorable et les jours de salut qui vont nous échapper, hâtons-nous de faire tout le bien qui est en notre pouvoir en répandant nos bienfaits", c'est-à-dire en faisant don de ses biens temporels à l'abbaye de Cluny. Les bénédictins fondent alors à Saint Saturnin du Port un établissement monastique, la septième filiale de l'abbaye bourguignonne, dirigée par un prieur qui est aussi le seigneur foncier de la ville. Installés sur le rocher dominant le fleuve, les moines bâtissent en 1150 une église romane dédiée à Saint Pierre dont le style est influencé par l'architecture du temple païen de Diane, à Nimes.
La place Saint Pierre, cantonnée par l'église paroissiale et par celle du prieuré, était le coeur de la communauté où les habitants se rassemblaient lors du marché hebdomadaire (attesté dès 1164) ou de la foire de Pâques. Ainsi, Saint Saturnin du Port développa une économie marchande importante, notamment avec les commerces des grains, du sel, de l'élevage et de ses produits transformés.
Dès le Moyen Age, l'influente famille Piolenc fait fructifier sa fortune par le commerce des grains, ainsi que l'affiche son blason où sont figurés "six épis d'or posés trois, deux, un" et dont la devise "tes champs en sont remplis en abondance" clame la prospérité. Ces négociants possèdent une demeure, appelée la Maison des Chevaliers, sise dans la bourgeoise et commerçante rue Saint Jacques, et qui abrite aujourd'hui les trésors du très beau Musée départemental d'Art Sacré.
(Sur la photo, on voit à droite le clocher de l'église Saint Saturnin)
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03/11/2008
PONT SAINT ESPRIT, une ville sur le RHONE
Alors qu'aux marches de la vallée, la mosaïque du célèbre vignoble escalade les pentes des Côtes du Rhône, ce fleuve autrefois redouté alanguit quelques temps sa course entre Donzère et Mondragon. Sur sa rive droite, en aval du confluent avec la capricieuse Ardèche, la ville de Pont Saint Esprit est comme ancrée à fil de fleuve. Cette cité, aujourd'hui un peu ensommeillée, garde dans l'enceinte de ses anciens remparts un patrimoine riche et méconnu, souvent vétuste mais habillé du charme moussu des vieilles pierres qui ont vu tant d'eau couler sous le pont. De quais en allées, de places en impasses, des monuments illustres ou familiers racontent l'histoire des siècles, au temps où le sacré favorisait le négoce et où le dit des princes se mêlait aux clameurs des bateliers qui étaient les véritables seigneurs du fleuve. Pour Frédéric MISTRAL, c'est ici que "la provence apparaît, car son entrée c'est le Pont Saint Esprit avec ses piles et ses vingt arcs superbes qui se courbent en guise de couronne sur le Rhône. C'est la porte sainte, la porte de la terre d'amour".
Pour découvrir la ville, prenez la direction de Bollène, traversez le Rhône sur le pont neuf, puis remontez vers le nord et revenez par le pont Saint Esprit. Alors, encadrée par ses deux ponts que huit siècles de technologie séparent, la ville révèle son beau visage, sa façade fluviale. Le regard s'allonge sur le fleuve jusqu'à buter contre les silhouettes des églises Saint Pierre et Saint Saturnin qui dominent la ville. Clochers, coupole et campanile se découpent dans la clarté du ciel alors qu'à leurs pieds, les marches d'un escalier monumental s'inclinent en révérence sur leurs images reflétées dans les eaux du fleuve. "Il suffit de passer le pont", ce pont sacré, tellement célèbre au Moyen Age que la ville s'en appropria le nom et qui relie, à la façon d'un trait d'union, le sol vauclusien de la rive gauche à celui gardois de la rive droite.
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26/10/2008
CLOITRE et BATIMENTS CONVENTUELS DU PRIEURE ST MICHEL DE GRANDMONT
Datant probablement du début du XIIIème siècle, le cloître, de proportions modestes, est l'une des parties les plus intéressantes de ce prieuré. Bien que restant d'une grande sobriété, il n'est pas dépourvu d'une certaine élégance. Ses galeries probablement remaniées en cours de travaux, (en témoignent des croisées d'ogives à côté de structures romanes de l'ensemble du cloître) sont séparées du préau par un muret de 0,90 m de haut, supportant des colonnettes jumelées, surmontées d'arcs géminés en plein cintre. Les chapiteaux, dans leur ensemble, restent assez sobres. Seules les corbeilles de certains d'entre eux supportent-elles quelques ébauches de feuilles assez grossièrement sculptées. C'est également à partir de ce cloître, dans la galerie Est, que se trouve l'escalier droit et plein qui permettait jadis aux moines d'accéder à leur dortoir. Au centre du préau, un bassin témoigne encore de la présence d'une fontaine jadis alimentée par une source.
Perpendiculaire à l'église, l'aile du levant abritait au rez-de-chaussée le couloir des morts, la salle capitulaire et la salle des moines, tandis qu'à l'étage se trouvaient la cellule du prieur et le dortoir des moines. Le couloir des morts est un passage étroit qui permettait de faire communiquer le cloître avec le cimetière situé au chevet de l'église, ainsi qu'en attestent les découvertes récentes à ce sujet (1983), qui ont permis de mettre à jour plusieurs caveaux et pierres tombales, dont deux très belles tombes wisigothiques datant des Vème et VIème siècles. Ce couloir, qui pouvait également servir de vestiaire pour les moines, était emprunté plusieurs fois par jour par ces derniers pour leur visite au cimetière. La salle capitulaire ne fait désormais plus qu'une avec la salle des moines. Jadis, il s'agissait en effet d'une salle carrée (6 x 6m), voûtée d'une croisée d'ogives sans clef. Pour y accéder, à partir du cloître, on franchit une porte romane flanquée de deux fenêtres ajourées dont les arcs reposent sur deux groupes de trois colonnettes cylindriques. La salle des moines était le lieu de travail des moines, lorsqu'ils ne vaquaient pas à leurs occupations agrestes. Ils pouvaient d'ailleurs accéder directement aux champs par une petite salle voûtée dans le prolongement des deux salles précédentes.
A l'étage, au-dessus des salles, se trouvait donc le dortoir des moines ainsi que la cellule du prieur. Dans cette dernière pièce, il était jadis possible aux moines malades d'assiter aux offices grâce à une petite baie, aujourd'hui murée, percée dans le mur sud de l'abside. Reconstruit au XVè siècle, l'étage est éclairé par cinq grandes fenêtres à croisillons et meneaux.
L'aile sud était occupée par le réfectoire et la cuisine. Complètement remaniées au cours du XIXè siècle, ces pièces ne présentent plus grand intérêt. Quant à l'étage, il a été purement et simplement réaménagé en locaux d'habitation. Un escalier intérieur permet d'y accéder à partir de la grande porte percée au milieu de cette aile.
Enfin l'aile ouest abritait des locaux utilitaires et une salle réservées aux hôtes. Ces salles étaient voûtées d'ogives partant du sol et se croisant sans clef. L'une d'elles, à gauche en rentrant par la cour, vulgairement appelée "salle des chevaliers", comporte une grande cheminée de construction beaucoup plus récente.
A l'étage de cette aile se trouvaient des salles aménagées pour y recevoir le prieur, ce qui explique certains détails d'ornementation, notamment quelques belles fenêtres géminées romanes. Une belle cheminée romane surplombe la toiture de cette aile.
Quant au bâtiment à droite de cette aile, il date probablement du XIXème siècle, date à laquelle le prieuré a été racheté par la famille Vitalis, de LODEVE. C'est également de cette période que date le grand lac à l'est du prieuré, sur l'ancienne carrière de pierres ayant servi à la construction du prieuré. En atteste la plaque datée de 1850, libellée en latin, et ne négligeant pas les jeux de mots entre la famille Vitalis et l'eau vitale.
De cette période datent également les bâtiments situés à l'ouest du prieuré, et qui servirent alors de bâtiments à usage agricole. Des bâtiments actuellement en réfection afin de pouvoir éventuellement y recevoir des séminaires.
Depuis 1980, le prieuré revit à travers des manifestations d'ordre culturel. C'est ainsi que des visites guidées du prieuré et de son immense parc, dont une trentaine d'hectares sont clôturés depuis l'implantation d'une réserve consacrée à l'élevage de cerfs, de biches et de daims, sont programmées pendant toute une partie de l'année. Et dans le même esprit, des concerts de musique sacrée ou de chant choral sont donnés chaque été dans l'église à l'acoustique si exceptionnelle. Un juste retour des choses pour ce lieu magique, habité de tant de souvenirs d'époques plus ou moins lointaines, mais qui ont toutes su apporter leur contribution à l'édifice de notre patrimoine régional.
aile du levant
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24/10/2008
L'EGLISE ET LA CHAPELLE SAINT MICHEL DE GRANDMONT
Ces deux éléments du prieuré, construits à la fin du XIIème siècle et au début du XIIIème, reflètent bien l'austérité de la spiritualité grandmontaine au temps de son apogée.
Bâtie à la fin du XIIème siècle, l'église constitue la partie la plus ancienne du prieuré. Par son extrême simplicité, elle correspond bien aux traditions architecturales des grandmontains. Avec ses murs en grès, épais d'environ 1,30 m, elle ne comporte aucun contrefort. Seuls apparaissent encore, sur la façade nord, un rang de corbeaux de pierres destinés à recevoir les sablières de l'ancien "porticum", galerie de bois pouvant servir d'abri aux éventuels fidèles et de parloir aux moines. Désormais en lieu et place de ce porticum, on trouve la chapelle Saint-Michel, datant du XIVè siècle, dont l'appareil contraste avec celui de l'église. Cette chapelle était plus particulièrement destinée aux femmes et aux pélerins de passage qui n'étaient pas habilités à fréquenter l'église du prieuré. La nef de l'église, autrefois réservée aux seuls frères, est on ne peut plus nue. Longue de 20,60 m et large de 6,70 m elle ne possède aucun arc, pilier ou même ouvertures latérales. Sa voûte, unie et sans renforts, est désignée sous le nom de "vouta plana". La nef est prolongée à l'est par une abside semi-circulaire, plus large que la nef (7,80 m), voûtée en cul-de-four, et bien éclairée par trois hautes fenêtres en plein cintre, ébrasées vers l'intérieur, qui ont été récemment démurées et équipées de nouveaux vitraux d'une belle sobriété.
Trois portes donnent accès à cet église. Le portail principal, contrairement à ce qu'on pourrait le penser, n'est pas la grande porte située dans la façade occidentale. Celle-ci ne date en effet que du XIXème siècle et sa grandeur n'a d'autre explication que l'utilisation de l'édifice en cave. Le portail principal s'ouvre donc dans le mur nord, selon la coutume de l'ordre. Et dans cet univers d'austérité, il fait presque figure de décoration importante, avec son arc brisé, préfigurant déjà le gothique, et reposant sur des colonnettes portant des chapiteaux sans fioritures.
Ce portail était semble-t-il destiné aux rares fidèles admis dans l'église. Quant à la troisième porte, dépourvue de tout décor, elle donne accès directement au cloître, côté sud. C'était la porte des moines.
La seule note d'originalité de cette église se trouve à l'extérieur, sur le versant sud de sa toiture, il s'agit en effet de son clocher octogonal, datant du XIIIè ou XIVè siècle : une sorte de lanterne ajourée surmontée d'un petit dôme de pierre. Ce clocher est visible du cloître.
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22/10/2008
L'ORDRE DES GRANDMONTAINS
Né au Moyen Age, dans le courant du grand mouvement monastique de l'époque, l'ordre de Grandmont ne connut pas la même renommée que celle des Bénédictins, des Chartreux ou des Cisterciens, datant pourtant de la même époque. L'austérité de sa règle est probablement à l'origine de ce qui le démarque des autres ordres monastiques d'alors, bien que tous reposaient sur le même idéal de pauvreté et d'humilité.
Fondée en 1076 par l'ermite Etienne, la communauté des ermites de Muret (Limousin) s'était retirée à la mort de son fondateur (1125) dans un lieu encore plus sauvage, appelé Grandmont, qui devait lui laisser son nom. L'ordre se développait alors assez rapidement dans les régions limitrophes, créant des maisons appelées "celles" en Poitou, Auvergne et Languedoc en particulier. C'est ainsi que moins d'un siècle après la mort d'Etienne de Muret, l'ordre comptait déjà près de 150 celles dans le centre et le sud-ouest de la France, le monastère du Lodévois étant l'une des quatre implantées en Languedoc.
La simplicité et le dépouillement de ces celles reflètent assez bien ce qui était imposé aux religieux, familièrement appelés "les Bonshommes", par la Règle de Saint-Etienne.
Celle-ci imposait en particulier à ses membres une solitude absolue. Ce qui explique en partie le fait que les celles aient souvent été fondées dans des endroits isolés, parfois clôturés naturellement par des forêts. Jeûne, silence et pauvreté, individuelle ou collective, étaient imposés aux moines, lesquels devaient survivre grâce à leurs aumones et leur travail manuel au sein de leur celle.
Suite à une grave crise disciplinaire, par manque de hiérarchie et d'autorité véritable, l'ordre des grandmontains fut réorganisé en 1317 parle pape Jean XXII. Celui-ci plaça à sa tête un abbé général et regroupa les quelques 150 celles existantes en 39 prieurés conventuels, dont celui de Saint-Michel de Grandmont, en terre lodévoise. Dans le même temps, certains assouplissements furent apportés à la Règle. Mais ceci n'empêcha pas le déclin progressif de cet ordre au cours des siècles suivants. Un déclin accentué par la Guerre de Cent Ans et les guerres de religion. Ainsi en fût-il pour le prieuré de Grandmont, en dépit d'un dernier sursaut relevé au cours du XVIIè siècle.
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