Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

21/12/2008

LE LUNELLOIS (4)

orangerie.jpgorangerie 2.jpgchateau marsillargues.jpgchateau marsillargues 2.jpgUn des plus sanglants épisodes des guerres de religion eut pour théatre Saint Sériès et Saturargues, 18 ans après la révocation de l'Edit de Nantes, le 20 septembre 1703. Ce jour là, vers 10 heures du soir, les Camisards qui avaient pour complice le meunier de Saint Christol passent la Roque d'Aubais, massacrent onze personnes dans le premier de ces villages et soixante dans le second. Les maisons, le château et l'église sont brûlés. Les survivants se réfugient à Lunel qui, du coup, va se doter d'un nouveau rempart. Saturargues sera déserté pendant plusieurs années.

Entre temps, les "Villettes" ont été vendues mais leur vente a été cassée. Cependant, Lansargues a été rachetée par ses habitants, et ce au profit du roi. Lunel a vu aussi la construction de sa caserne, la réfection de son église et vécu d'autres péripéties.

Que voir en Lunellois ?

Tout d'abord : en ville, dans le centre avec les Caladons, les rues étroites, l'Hôtel de Bernis (vestiges de l'école juive) et quelques belles demeures retient l'attention. L'église abrite un orgue de Cavaillé Coll et la bibliothèque possède des joyaux. Sur le plateau, les après-midi de pétanque et les marchés du jeudi et du dimanche sont riches de couleurs, d'accent et de bonnes affaires. Et juste à côté sont les fraîches allées du parc conçues selon Le Nôtre. Quant aux Arènes, dès que vient la belle saison...

La garrigue lunelloise est un merveilleux lieu de promenade et de découverte : sur les bords du Vidourle, de Saint Jean de Nosé à La Jassette proche du Pont d'Ambrussum, ou du côté de Saturargues, de la Coste ou du Grès Saint Paul.

Le Mas des Caves est reconnaissable de loin avec sa curieuse construction tout en haut du coteau. Ce fut la demeure de l'Abbé Bousquet qui, vers 1750, produisait le meilleur des muscats. Plus loin c'est le hameau disparu que l'on nommait Montels et dont une seule croix marque l'emplacement. Juste au-dessus, La Tour de Farges à d'autres histoires à conter. Savez-vous qu'elle a connu Courbet, Michelet, Karl Marx, au temps de François Sabatier d'Espeyran et de la cantatrice Caroline Unghet, son épouse ?

Descendez au village : sa mairie n'est ni plus ni moins qu'un château dont l'orangerie" est une merveille. J. J. Durand, maire conventionnel de Montpellier et guillotiné en 1794 en fut propriétaire.

Lansargues possède une église classée et, comme les autres communes jouxtant l'Etang de l'Or, des marais où paissent plusieurs manades de taureaux.

Poussez jusqu'à La Grande Motte, car elle est bel et bien en Lunellois. Les planches à voile, le golf, le port et le béton des clairs immeubles ne doivent surtout pas nous faire oublier les pins ; ces pins qui jadis recouvraient tout le littoral et que l'on a replanté aux pieds des pyramides.

Et puis finissons la balade à Marsillargues, mais en passant par la "Route des Mas". Elle longe un instant l'ancien lit du Vidourle. C'est là un vrai pays avec des domaines en guise de villages. Marsillargues est au bout, avec sa ceinture de platanes, ses arènes à l'ombre du clocher et son château chargé d'histoire où tant de choses sont admirables. La salle de billard, la fontaine, les plafonds... Savez-vous qu'on y découvre le porc-épic, emblème de Louis XII, la salamandre de François 1er et le croissant de lune de Diane de Poitiers ?

 

13/12/2008

LE LUNELLOIS (3)

La baronnie va encore changer et rechanger de main, passant de la couronne à un seigneur ou un autre et vice-versa. Les différents sont nombreux en son sein.

Lansargues veut se fortifier et Lunel ne veut pas... Marsillargues conteste des droits de passage sur une roubine... On vote la remise en état des berges du Vidourle et on s'occupe du canal... Mais bientôt les conflits religieux vont mettre le pays à sang. Lunel n'aura sans doute jamais connu une tension aussi grande et aussi longue.

En 1561, Marsillargues est représentée au colloque protestant de Montpellier (le bourg agricole comptera une centaine de départs en exil après la révocation de l'Edit de Nantes et 71 % de protestants au début du XIXème siècle).

A Lunel, on abattra un temps les édifices catholiques mais on changera aussi de bord...D'autres "Villettes" resteront acquises à la vieille religion.

Amiral de coligny.jpgLa région va connaître quelques batailles, par exemple sur le ruisseau du Salaison (près du Crès) entre les soldats de l'amiral de Joyeuse et un certain capitaine Grille. Plus tard, à Saint Brès, l'amiral de Coligny venant de Toulouse perd plus de 100 hommes avant de mettre deux fois le siège devant Lunel où il perd encore 500 soldats. Revanchard en diable comme on le sait, il tente de prendre Aimargues sans succès et met le feu partout sur son passage en gagnant Pont Saint Esprit. Des villages sont pris et repris... Lunel est aux protestants en 1561... Lunel Viel tombe par surprise aux mains des soldats de Joyeuse déguisés en moissonneurs et Damville le reprendra encore en 1572... Marsillargues est huguenot en 1574.

Les choses ne s'arrêtent pas là ! En 1622, ce bourg sur le Vidourle est définitivement aux catholiques. La même année, la plaine aujourd'hui si paisible entre Saint Just et Lansargues voit 400 hommes du calviniste de Rohan, partis de Lunel en renfort vers Mauguio, défaits par la cavalerie légère du Languedoc, près du vieux couvent de l'Arboras. Le 2 août, Lunel est prise par le prince de Condé, non sans pertes, et 3 charrettes de poudre y font explosion, détruisant des maisons et tuant une soixantaine de personnes. Louis XIII va y faire son entrée quelques jours plus tard et ordonnera la démolition des remparts....

DAMVILLE.jpgAmiral Joyeuse en 1560.jpgDe condé.jpg

09/12/2008

LE LUNELLOIS (2)

Lunel.jpgLa baronnie de Lunel semble avoir connu, à part quelques exceptions, des seigneurs relativement sages et peu turbulents. L'un se voit restituer le fief de Lansargues pour ses bons services. L'autre achète les moulins de Marsillargues à l'abbaye de Psalmody mais, en 1241, un autre se rallie à la révolte du comte de Toulouse contre Saint Louis. Il est vrai qu'un peu plus tard, un autre encore décida de prendre part à la croisade avec de roi, mais la mort l'en empêcha... En 1262, les Templiers s'établissent à Saint Christol et quelques années plus tard, un procès les oppose à Lunel pour un problème de bornage. Différent alors fort commun, la terre représentant une source de richesses pour les dépaissances du bétail et le bois de chauffage autant que pour les cultures. Mais la lignée des Gaucelm s'éteint et, en 1295, la baronnie est cédée à Philippe-le-Bel. En échanges de services, ce même roi cède en juillet 1304 le fief de Marsillargues à son trop célèbre conseiller Guillaume de Nogaret (voir photo). Celui-ci y fait construire un château et ne se prive pas de vexations à l'encontre de Lunel. (Le château sera transformé en 1576 et en partie détruit par un incendie en 1936, avant qu'on ne procède à sa restauration).

En 1317, la baronnie sera donnée par le roi au seigneur de Sully. Lunel va alors avoir ses consuls : deux pour la ville et un pour les "Villettes". La baronnie reste donc une communauté, guillaume de nogaret.jpgmais cela n'empêche pas pour autant les différents... Pourtant ce sont des tracas d'une autre importance qui vont surgir. Avec les Grandes Compagnies, rien n'est sûr et l'on fortifie à tour de bras. En 1357, de Cervoles menace à l'est. Dix ans plus tard, on n'ose trop vendanger à Mudaison, car les routiers y sont aperçus en septembre. Ce village est en effet sur le camin salinier, axe important allant de Villeneuve-les-Maguelonne à Beaucaire.

En 1359, l'espace de quelques jours, Du Guesclin fait de Lunel son quartier général. Pourtant, la ville sera aux mains des routiers en 1381, vingt ans après que Marsillargues ait subi le même sort. Mais c'est aussi l'époque où les vins du Lunellois, la Clairette et surtout le Muscat connaissent un formidable essor, en grande partie grâce aux papes avignonnais. Ce muscat sera, jusqu'à la catastrophe phylloxérique, l'ambassadeur du vignoble muscat Lunel.jpglanguedocien auprès des souverains et des grands personnages de toute l'Europe.carte hérault.jpg

08/12/2008

LE LUNELLOIS

entrée mas des caves.jpgLe Lunellois est un pays de cigales et de taureaux, de ciel bleu et de muscat doré, d'oliviers et de saladelles, de félibres et de galéjeurs. Avec ses masets sous les pins et ses plages au soleil, le Lunellois nous apparaît souvent comme une terre de fête, de savoir-vivre épicurien et de douce existence. Ses enfants ne le quittent qu'à grand regret, les touristes apprécient ses sites variés, les érudits y trouvent mille lieux où le passé sommeille, et les curieux mille petites choses qui séduisent et émerveillent.

chateau et son orangerie lunel.jpgPour qui veut remonter bien loin dans notre histoire, le Lunellois offre un champ d'action fort étendu. Au nord de Lunel-viel, les grottes du Mas des Caves, haut lieu du muscat sur les vallonnements de galets ocres, nous font retourner à quelques 500 mille ans avant notre ère. Sur ce site préhistorique parmi les plus anciens d'Europe, vivaient alors des chasseurs et des pêcheurs ayant acquis quelque degré de civilisation. Plus au sud, à Lansargues, à Camp-Redon près de l'Etang de l'Or, c'est l'âge de Bronze qui a laissé ses vestiges. Sur ces étendues où fleurissent fin août les saladelles mauves, on retrouve aussi des tessons d'amphore étrusques. Mais c'est bien l'époque romaine qui a le plus marqué ces terroirs. En plaine, autour de Valergues, Lansargues ou Saint Nazaire de Pézan, la campagne fourmille quasiment de vestiges sur des lieux ayant été occupés depuis ce temps jusqu'au haut Moyen Age. Marsillargues n'est pas en reste avec son autel romain retrouvé dans le Vidourle et, du côté de la garrigue, on n'a pas à être jaloux. Le bourg de Saturargues a-t-il été édifié sur un ancien temple dédié à Saturne ou s'agissait-t-il de la ville d'un colon romain comme en bien d'autres lieux ? La proximité de la Voie Domitienne autorise à voir le Lunellois romain comme un pays alors fort bien occupé. Lunel-Viel et ses environs restent un exemple où les fouilles ont fait apparaître en divers lieux des nécropoles échelonnées sur plusieurs siècles. Et en avançant guère plus dans le temps, que penser de cette insistante croyance selon laquelle Charlemagne se serait arrêté au Mas des Caves ? Décidément, le lieu devait avoir son charme !

(sur les photos, le Mas des Caves et le Chateau de Lunel-Viel et son orangerie) A suivre...

02/12/2008

Les Maîtres potiers en terre de faïence de Montpellier (suite n° 4)

faïence jaune.jpgAu siècle des Lumières, les fabriques de faïence furent à leur apothéose : jamais leur nombre n'a été, ni ne sera aussi important qu'à cette époque. Elles se modernisent passant ainsi du stade de l'atelier médiéval à une production pré-industrielle. Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, le faïenceries furent favorisées par des Edits promulgués par Louis XIV. Pour renflouer les caisses de l'Etat vidées par un règne affreusement dispendieux, le Roi contraignit les riches du Royaume à faire fondre leur argenterie et orfèvrerie. Pour faire face à une pénurie de vaisselle somptuaire, les potiers fabriquèrent des faïences imitant les modèles des orfèvres. Ce fut le cas du service du château de Marsillargues (près de Lunel) connu par un inventaire testamentaire très détaillé qui fut livré au Comte de Calvisson par les faïenciers de Montpellier. La faïence blanche et bleue décorée de motifs conçus par Bérain, l'ornemaniste du Roy, est très en vogue, notamment celle produite par la fabrique de Jacques Ollivier qui obtint par privilège, en 1729, le titre de Manufacture Royale. Cette manufacture de Montpellier employait plus de 300 ouvriers qui fournissaient vaisselle de table, pots d'apothicaire ou même des objets usuels comme des fontaines, des encriers, des consoles ou des revêtements de cheminée. Plus tard, les peintres mirent d'autres tendances au goût du jour, en particulier celles de Moustier ou de Marseille.

Au milieu du siècle, une nouvelle technique, le Petit Feu, se généralisa. Elle permit d'enrichir la palette chromatique et fut appliquée pour les semis de fleurs au naturel inventés par les peintres allemands. A Montpellier, cette mode fit fureur : sur un émail blanc, des bouquets de fleurs champêtres entrelacent une rose cocardière peinte au violet de manganèse puis en bleu indigo. Vers 1770, André Philip, un faïencier de Marseille, travailla à la manufacture des Ollivier puis s'associa avec un autre atelier. Est-ce à lui que l'on doit l'introduction de la faïence à fond jaune passée à la postérité sous le nom de Vieux Montpellier ?

Le glas de la faïence montpelliéraine sonna au XIXème siècle : fascinés par la perfection des porcelaines, les notables boudèrent la faïence jugée alors archaïque.

Perdant cette clientèle argentée et ne sachant pas toujours rebondir lorsque les débouchés commerciaux vers les colonies furent freinés, la plupart des faïenciers firent faillite. Ce n'est qu'en 1907 que la faïencerie de Foncarade reprit le flambeau délaissé à la fin du XVIIIème siècle et remit au goût du jour les faïences à l'ancienne. Aujourd'hui, la fabrique Artus et Siffre en est la digne héritière, seule désormais à Montpellier à perpétuer un artisanat qui contribua à la prospérité de la ville pendant près de 4 siècles.

24/11/2008

Les Maîtres Potiers en terre de faïence de MONTPELLIER (suite 3)

ollivier faïence montpellier.jpgLes décors polychromes des majoliques passèrent de mode. Ils furent peu à peu abandonnés au profit de faïences blanches peintes de camaïeux bleus de cobalt inspirées des porcelaines d'extrême orient. Vers 1650, le baroque italien imprima son univers mythologique peuplé de grotesques dont certains maîtres montpelliérains, les Ollivier par exemple, furent les adeptes. Avec ce nouvel essor, les fabriques montpelliéraines se singularisèrent des autres centres de production par des biscuits d'excellente qualité et surtout par un émail d'une blancheur irréprochable. Bien qu'aujourd'hui méconnue et tombée dans l'oubli, cette renommée était célèbre dans tout le pays et attirait de nombreux ouvriers. Un certain Guerrain Gauteron, originaire de Nevers, fut embauché en 1672 par les Marquet pour exercer son art de la peinture dans leur fabrique, sise au faubourd du Courreau. Il fut le prédécesseur de beaucoup d'autres car les ateliers de la ville furent investis par une multitude de peintres qui y travaillèrent à leur manière. En ouvrant leurs ateliers à des artistes venus de la France entière, les faïenciers montpelliérains confessèrent malgré eux une certaine faiblesse de leur créativité picturale et contribuèrent largement au melting pot des styles, véritable casse-tête chinois pour les experts actuels.

 jaune de montpellier.jpg

22/11/2008

LES MAITRES POTIERS EN TERRE DE FAIENCE DE MONTPELLIER (suite 2)

L'art des majoliques

pots faïence montpellier.jpgLe mot faïence tire son origine de Faenza, petite ville d'Italie près de Florence, où l'on fabriquait ce type de céramique qui connut une renommée européenne à la Renaissance. Bien qu'existant probablement dès le XIIIème siècle dans le sud de la France, la technique de l'émail stannifère se répandit largement au XVIème siècle. C'est sous la férule d'italiens itinérants que les maîtres languedociens apprirent "l'art des couleurs, à savoir : le fin blanc, les jaunelis et le bleu". Les premiers maîtres que l'on connaisse, à la fois par les textes anciens et par des objets qui leur sont attribués de façon consensuelle, sont les huguenots Antoine Syjalon, célébrissime faïencier de Nimes et Pierre Estève qui tenait boutique à Montpellier. Principalement destinées à la pharmacopée, leurs productions, appelées "majoliques languedociennes", ont un style imité de l'Italie qui se caractérise par un décor polychrome a quartieri où courent des rinceaux (ornement disposé en enroulements successifs) d'acanthes ou des fleurs de lys. Les portraits des Rois de France ainsi qu'une tête de lion modelée en relief à la base des anses sont des éléments décoratifs qui permettent d'attribuer une série de chevrettes, dispersées dans plusieurs collections, à Pierre Estève. L'une d'elle, où figure Clovis II appartient au Musée Languedocien de Montpellier. Les récipients d'apothicaires étaient une production importante des potiers de Montpellier car la ville possédait une des Ecoles de Médecine et un Jardin des Plantes - créés à l'origine pour l'étude et la culture des plantes médicinales - les plus réputés de France. Cette production spécifique, évoluant de mode en mode, perdurera jusqu'à l'extinction des ateliers de faïence au tournant du XVIIIème et du XIXème siècle.

20/11/2008

Les Maîtres Potiers en terre de faïence de Montpellier (suite 1)

Au XVI ème siècle, époque où l'on voit apparaître les premiers faïenciers connus, Montpellier était déjà une grande ville bouillonnante d'activité, à la fois centre de production et carrefour commerçant important. Tout comme à Ganges au pied des Cévennes, la ville comptait une population assez conséquente de potiers, les orjoliers, dont le nom dérivait de l'orjol, le pot à eau qu'ils fabriquaient. Leurs productions se composaient essentiellement de vaisselle commune, mais aussi de matériaux de construction comme des carreaux de revêtement, des tuiles ou des tuyaux. Certains potiers, dont les Molle, se disaient fontainiers : ils fabriquaient des godets de norias et des bourneaux, des tuyaux vernissés destinés à canaliser les eaux de pluie ou de captage. Comme beaucoup d'artisans, les potiers regroupaient leurs fabriques dans certains quartiers. Aux côtés des tanneurs, ils occupaient les rives du Merdanson (rebaptisé pudiquement Verdanson) entre les anciennes portes de la Blanquerie et de Saint Gilles. Dans ces parages, le pon de las teuillèras (tuiliers) enjambait la rivière et rejoignait l'actuel Faubourg Boutonnet. Leurs échoppes débordaient sur les ruelles encombrées et leurs étals se serraient sur le parvis de Notre Dame justement appelée des Tables. Au fur et à mesure que la ville grandissait ou que leur réussite économique leur permettait de s'agrandir, les potiers déplaçaient leurs ateliers de l'intérieur des remparts vers des sites extra-muros comme le faubourg du Courreau, ou celui du Pila Saint Gély. C'est dans ce dernier que l'atelier des Favier, daté du XVIIème siècle, a été mis au jour lors d'une fouille archéologique occasionnée par les aménagements de la station Corum du nouveau tramway. En 1603, les potiers de terre se structurent et s'organisent en corporation. Une charte, rédigée et signée par les consuls élus parmi les potiers les plus influents, réglemente les usages du métier et défend ses intérêts commerciaux face à la concurrence étrangère. La confrérie accordait aux meilleurs de ses membres le titre de Maître qui autorisait l'ouverture d'un atelier de fabrication. Cette maîtrise se transmettait par héritage, de père en fils aîné ou, en cas de décès, à la veuve. Tout potier ayant pignon sur rue possédait dans les alentours immédiats de la ville une ou plusieurs carrières d'argile d'où il extrayait la matière première nécessaire à son art. Localisés entre Celleneuve et Grabels, les tènements de la Cauquilhe, et des Terrières furent exploitées pendant des siècles, ainsi que les marnes grises de Malbosc qui ont été définitivement abandonnées il y a seulement quelques dizaines d'années. L'argile destinée à la fabrication de poterie de faïence doit être parfaitement préparée : après avoir été lavée, décantée et séchée, l'argile est longuement malaxée. La pâte ou produit est ensuite mise sur le tour ou préparée en vue d'être moulée dans des formes métalliques ou de terre cuite. La faïence est un type de céramique qui requiert une technique particulière où les objets de terre crue subissent une première cuisson dite de dégourdi. Sorti du four, le biscuit est immergé dans une solution d'émail stannifère composée d'eau et de poudre de verre rendue opaque par l'adjonction d'oxyde d'étain. Plus la solution est riche en étain, plus la blancheur de l'émail est parfaite. Sur cet émail encore pulvérulent, le peintre applique à la main levée ou au poncif des oxydes métalliques avec lesquels il compose le décor. Quatre oxydes sont utilisés : le cuivre donne le vert, le manganèse le brun violet, le cobalt le bleu et le jaune est obtenu de l'antimoine. Les objets sont mis une deuxième fois au four où la température incorpore les oxydes dans la masse de l'émail. C'est la technique du Grand Feu. Lorsque les fours étaient chauffés au bois, chaque objet était enfermé dans une gazette, une curieuse boite en terre cuite destinée à protéger l'émail contre les flammes. Des pernettes, petites cales, isolaient chaque objet et empêchait l'émail de les coller.

19/11/2008

Les Maîtres Potiers de MONTPELLIER

En Languedoc, le grand public connaît la faïence jaune Vieux Montpellier, une production tardive de la fin du XVIIIème siècle, mais moins nombreuses sont les personnes qui savent que d'autres faïences l'ont précédée et dont les plus anciennes, les Majoliques, ont été fabriquées dès la fin du XVIème siècle. Les musées de la ville renferment des collections de faïence méconnues dont la plupart des pièces pourraient avoir été fabriquées dans les ateliers montpelliérains. Si l'on connait bien par les documents d'archives les lignées de potiers qui, au cours des siècles, ont exercé leur art dans cette ville, il se révèle souvent difficile de leur attribuer avec exactitude tel ou tel objet tant les pièces authentifiées par une signature sont exceptionnelles.

2 pots faïence montpellier.jpgLes Majoliques désignent les faïences, notamment celles arabo-andalouses, introduites en Italie par des navires venus de Majorque.

16/11/2008

PONT ST ESPRPIT (suite 3)

entrée gothique pont st esprit.jpgOutre son pont, la ville est célèbre pour son Hôpital lui aussi géré par l'Oeuvre. Vers 1310, la confrérie affirme une vocation charitable avec la construction d'un asile qui accueille pélerins et indigents, femmes en couches et enfants abandonnés. L'Hôpital de Saint Esprit (l'un des 4 Hôpitaux Généraux de la chrétienté avec ceux de Ronceveaux, de Notre Dame du Puy et de Saint Antoine en Viennois) est construit en amont de l'entrée du pont et y confronte la Maison du Roy, siège de l'Oeuvre. Il comporte une grande salle où sont logés les malades et un sanctuaire gothique dont le portail, attribué à l'architecte genevois, Blaise Lecuyer, est terminé à la fin du 15 ème siècle.

En raison de leur situation géographique, à la fois frontalière et carrefour, la ville et le pont Saint Esprit, furent des places stratégiques pour les pouvoirs publics et les militaires.

A la suite du découpage de l'empire carolingien, la vallée du Rhône, puis le fleuve lui-même, devinrent une ligne frontalière convoitée, entre le Royaume de France à l'ouest et le Saint Empire Germanique à l'est. C'est ainsi que pendant des siècles, les riverains et les mariniers continuèrent d'appeler Royaume la rive droite et Empire la rive gauche. De plus, le voisinage avec Avignon qui, du 13 ème siècle à 1791, appartint à la papauté, apporta tour à tour à la ville de Pont Saint Esprit richesses et turpitudes. Le Pont Saint Esprit est donc le trait d'union entre plusieurs états et relie les provinces du Languedoc et du Vivarais à la Provence et au Dauphiné. Comme il se trouve être le seul pont de pierre entre Lyon et la mer, il fallut défendre ce point stratégique en le fortifiant. C'est cette image que montrent encore les armoiries de la ville estampillées sur le mobilier urbain contemporain : le pont est fermé de deux demi-tours avec une croix au milieu surmontée du Saint Esprit et de deux fleurs de lys. Au 14 ème siècle, alors que la guerre de Cent Ans fait rage, la ville tente de se protéger de la convoitise des armées ennemies en s'enfermant dans de nouveaux remparts qui englobent la tête du pont et l'Hôpital. Hélas, ces précautions n'effarouchent guère les terribles mercenaires anglais, "amis de Dieu et ennemis à tout le monde" et qui "dégâtaient" villes et campagnes sur leur passage. Pont Saint Esprit leur résiste un temps et les empêche d'entrer en Dauphiné, mais finit par succomber à leur siège. Les pillards pouvaient alors "courir à leur aise et sans danger, une heure en Royaume de France et l'autre en Empire" et allaient "ous les jours jusqu'aux portes d'Avignon, de quoi le Pape et tous les cardinaux étaient en grand paour".

quai pont st esprit.jpgPlus tard, conscient que le pont Saint Esprit est un passage-clé pour les protagonistes des guerres de religion qui ensanglantent et saccagent la ville, Henri IV décide de renforcer son système défensif et entreprend vers 1590 la construction d'une citadelle. Celle-ci, terminée par Louis XIII en 1627, englobe les bâtiments de l'Hôpital qui disparaît totalement derrière les murailles défensives. Bombardée par les Allemands, et démantelée après la seconde guerre mondiale, la citadelle est aujourd'hui un lieu étrange, un chaos architectural où les époques et les styles se superposent en de surprenants raccourcis anachroniques. Quel contraste lorsqu'après la descente verticale d'un escalier humide qui semble plonger tout droit vers un cachot sordide, le visiteur déboule finalement dans la lumière et se trouve nez à nez avec les dentelles tarabiscotées du pinacle du magnifique portail gothique ! Durant la Régence, au début du 18ème siècle, une nouvelle caserne contruite à l'opposé de la citadelle modernise les équipements militaires de la ville. La rigueur fonctionnelle de ces bâtiments a abrité pendant longtemps une garnison importante. La caserne Pépin est devenue un centre commercial de nos jours.

Le déclin du port

lavoir pt st esprit.jpgAu 19 ème siècle, Pont Saint Esprit se développe hors de ses murailles, abattues et transformées en promenades ombragées, et l'arrivée du chemin de fer modifie considérablement son visage ; tournant alors le dos au fleuve où se meurt la batellerie, la ville entre dans l'ère du progrès industriel. A cause de la force de la vapeur, les fiers mariniers des bateaux de bois qui ont fait vivre la vallée pendant des siècles sont irrémédiablement mis au chômage, tout d'abord par la concurrence déloyale des puissantes compagnies des navires à aubes puis par les chevaux mécaniques des locomotives. Aux alentours du port, le quartier populaire de Rivière se vide peu à peu de l'innombrable petit peuple de lavandières, de débardeurs, de mariniers et de pêcheurs qui vivaient du Rhône et de la navigation. A peine construit, l'escalier Saint Pierre, contrepoint terrestre du pont et véritable monument à la gloire de la ville et à son port, ne voit plus défiler les trains de barques décizant de Lyon à Beaucaire. Désormains orphelins, certains témoins commémorent, chacun à leur façon, de la prospérité économique ou de la vie humble, rude et intense de la batellerie d'autrefois. Derrière la digue qui protège désormais les bas quartiers des montées intempestives du fleuve, mais qui en ôte aussi la vue, les bittes d'amarrage, solitaires, disparaissent au milieu des peupliers et des aulnes. Désormais déserts, les quais sont parfois animés par la présence de quelques vieux spiripontains qui, une casquette marinière vissée sur la tête, viennent prendre le soleil le long du fleuve et commentent les gestes lents et mesurés des pêcheurs à la ligne.

vieille rue Pont St Esprit.jpgLoin de la bryance des boulevards de la ville haute, le quartier de Rivière, si typique avec ses ruelles calladées et ses maisons de village aux larges génoises, est un endroit charmant mais un peu fantomatique. Un petit air de nostalgie souffle le long des façades des maisons dont les crépis bigarrés se décolorent au fil des ans et où des touffes de pariétaire ou de ruine de Rome, grosses comme des buissons, dégoulinent en cascades.